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  • Photo du rédacteurHortense Jacot

Et si on faisait confiance aux parents ?



Ateliers de parentalité positive, de parentalité heureuse, de parentalité zen...oui, nous rêvons tous de la parentalité Ricoré, mais dans la vraie vie, cette promesse de bonheur familial 24h/24 ne risque-t'elle pas de faire écran au lien ? Au lien vécu, et non fantasmé et formaté selon les nouveaux modèles qui font la une des magazines.


En entretien de conseil conjugal, il n'est pas rare d'entendre des couples épuisés par cette recherche de perfection ou déstabilisés par cette multiplication des consignes:

" A chaque fois que je dis quelque chose à ma fille, ma femme me reprend parce que ce ne serait pas comme ça qu'il faut faire, qu'elle a lu dans les livres qu'il fallait parler autrement...Au bout d'un moment, je n'ose plus dire quoique ce soit. Je me sens dévalorisé, j'ai l'impression de ne pas avoir ma place de père..."

" Je ne comprends pas, pourtant j'ai lu les livres, j'ai fait exactement ce qui était dit...ça a pourtant l'air de marcher chez les autres cette méthode..."


Pas facile, pour les parents, de s'y retrouver, souvent tiraillés entre la volonté de bien faire, de "bien aimer" leur enfant, et les doutes sur leur capacité à y arriver !


Réussir son job de parent ?

Être parent semble être devenu une profession à part entière. Objectif: "réussir sa relation avec son enfant". En surfant sur quelques sites, je découvre les compétences parentales qu'on nous propose d'acquérir ou d'augmenter:

  • gestion du stress

  • gestion des conflits

  • communication

  • intelligences émotionnelle et relationnelle

  • parentalité positive

  • donner du sens à son rôle de parent

  • ...

Quel programme ! Performance, réussite, augmentation des compétences...le nouveau langage des relations affectives ?



Ces promesses de perfection qui mettent la pression...

Coaching parental...ce nouveau mot que je vois fleurir sur le net et dans les librairies ne cesse de m'interpeller...les parents devraient donc être coachés ?


Quand je lis que "le coach parental prend par la main les parents" ou que "avant même l'arrivée d'un enfant à la maison, il est essentiel de connaître les bonnes approches pour une éducation réussie et en douceur. Ce passage de femme enceinte à maman est une étape cruciale qu'il ne faut pas négliger....tout un apprentissage, que la mère ne connaît pas forcément mais que le coach peut enseigner", je me demande comment les jeunes parents osent se lancer dans l'aventure s'il faut déjà être au top avant même l'arrivée de leur enfant !


Évidemment, quel parent ne s'est pas senti démuni ou seul devant la réaction de son enfant ? Mais soutenir les parents équivaut-il à les éduquer ? A prendre comme point de départ que naturellement ils ne seraient pas compétents ?


Au programme : la réussite : "Il vous montre comment prendre en main et assurer toutes les conditions pour la réussite de vos enfants" et l’injonction de perfection "Vous avez choisi d'avoir des enfants. Vous aviez des idéaux pour leur éducation et votre relation avec eux. Vous aimeriez les atteindre afin que demain votre vie familiale rime avec harmonie. En fonction de ce diagnostic initial, nous vous suggérerons..."


Alors comment trouver un équilibre entre faire appel à ces aides qui peuvent être utiles sans pour autant imaginer qu’elles viennent combler une incompétence ? Comment faire un pas de côté face à ces injonctions pour rester soi-même ?


Des pistes utiles...

Bien sûr, les connaissances de la psychologie et de la neurologie ont permis de développer de nouvelles approches intéressantes de la relation parents-enfants. La communication non-violente est par exemple un formidable outil pour favoriser le dialogue et échanger en profondeur. La discipline positive propose aussi des pistes très intéressantes. Loin de moi l’idée de remettre en cause ces approches bienveillantes ! Elles sont d’une grande richesse, quand chacun se les approprie comme un autre regard à explorer.


...et des dérives

… quand cela est présenté comme « La Méthode », le guide absolu. Je m’interroge sur l’intérêt dans certains livres de brosser un tableau noir des conséquences dramatiques sur son enfant si on ne suit pas cette approche.


Comment alors, en tant que parent, oser prendre le risque de ne pas suivre à la lettre ce qui est écrit quand on découvre les dégâts que notre façon de faire aurait causé à notre enfant ? Et pourtant, chaque parent a tant à apporter : chacun a une créativité toute personnelle, et qui apporte à notre société des couleurs. Quel dommage de s’en priver, au risque d’une parentalité formatée, quel ennui !


Quel réajustement ?

  • Des demandes à entendre, quand des parents se sentent démunis. Entendre l’envie de bien faire. Entendre le besoin aussi d’être rassuré. Se faire le miroir de leurs compétences qu’ils ne voient plus parfois.

  • Une transmission à questionner : ces savoir-faire qui se transmettaient dans l’échange direct, dans le lien avec la famille, les amis. La course à la réussite parentale a-t’elle écarté ces moments précieux pour ne plus se tourner que vers les professionnels ? Ayons à l’œil cette jeune maman un peu isolée, cette famille qui vient d’emménager dans une nouvelle ville…favoriser le lien social reste la plus belle façon de transmettre.

  • Un espace d’expression libre à aménager. Pour laisser s’exprimer parfois derrière ces demandes de conseils des difficultés relationnelles ou personnelles plus profondes, dont l’enfant se fait inconsciemment le messager.

  • Considérer les parents comme fondamentalement et naturellement compétents.


Et si on vivait ?

Être parent, c’est aussi parfois tâtonner, c’est découvrir avec son enfant, c’est inventer chaque jour, et avec chaque enfant. C’est dans cet espace que peut s’épanouir la créativité que nous avons tous au fond de nous et que grandit notre joie, notre estime de nous-mêmes en tant que parent.


Vivre le lien au lieu de l’évaluer en permanence à l’aune des livres et autres photos des réseaux sociaux. Ne pas chercher à l’afficher comme une pub, en attente d’une confirmation extérieure. Et si on croyait juste en nous, en notre envie d’aimer nos enfants et le reste on verra !


Lors de ma formation, je me souviens d’un professeur qui nous avait dit « on apprend la théorie et après on s’assoit dessus pour pratiquer »…Et en effet, comment être pleinement avec la personne que j’accompagne si je suis en permanence à analyser, comparer par rapport à la théorie de tel ponte ou tel autre. Je me nourris de formations, de lectures ou de conférences, mais dans le moment de l’entretien, je suis avec l’autre qui est en face de moi.


Chacun de nous peut prendre part à favoriser le bien-être des familles : regarder avec bienveillance les parents, les encourager, leur faire prendre conscience de leurs ressources…


Professionnels, à nous d’entendre les questionnements des parents, à les accompagner en gardant à toujours à l’esprit qu’ils ont déjà une foule de « compétences » …Nourrissons-nous de leur inventivité, chaque famille a beaucoup à nous apprendre !


Et vous parents : lisez, formez-vous si vous en ressentez l’envie ou le besoin et ensuite : posez vos livres et faites-vous plaisir ! Et me voilà à mon tour à vous adresser une injonction…


Hortense Jacot

Conseillère conjugale et familiale


Je vous encourage à écouter cette intéressante émission qui rejoint et illustre mes réflexions du moment (avec quelques extraits bien choisis de sketchs de Gad Elmaleh et de Florence Foresti !):

https://www.franceinter.fr/emissions/grand-bien-vous-fasse/grand-bien-vous-fasse-28-mars-2018


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