Cette semaine, j'ai eu la chance d'assister à une conférence animée par le Docteur Chamak, neurobiologiste et sociologue, sur les conséquences de l'autisme sur la vie des familles. Elle était complétée par le témoignage de parents, responsables associatifs et pédopsychiatres. Retour sur cette matinée que je voulais vous partager....
L'autisme est un handicap encore assez méconnu du grand public, d'autant plus que sa définition n'a cessé d'évoluer et de s'élargir. Aujourd'hui, on estime qu'un enfant sur 100 en est atteint en France , avec des formes et des manifestations variées. Au delà des chiffres, à travers ces témoignages, j'ai découvert le quotidien de ces familles au cœur d'un tourbillon émotionnel, rythmé par la prise en charge du handicap de leur enfant. Des familles à la fois fragilisées et qui en même temps ont beaucoup à nous apprendre.
Des familles à la fois blessées et fortes
Blessure du diagnostic, qui met fin au rêve que tout parent porte en lui, de l'enfant idéal. Si chaque parent est amené à en faire le deuil, confronté à la réalité de cet enfant fantasmé pendant la grossesse, l'annonce du handicap y met court de façon brutale et violente. Comme un tremblement de terre, fortement teinté de culpabilité. Ce diagnostic qui parfois reste inaudible pendant plusieurs années, tant il est douloureux et angoissant. Et pourtant, petit à petit, en passant parfois par des chemins de traverse et des temps de pause, le travail d'acceptation se fait. Émaillé certes de larmes, d'inquiétudes, mais aussi de petites et grandes victoires, de moments de grâce et de légèreté. Des familles blessées aussi par le regard de leur entourage, de professionnels ou tout simplement du passant dans la rue, sur leur enfant.
Au cœur de ces fragilités, ce sont aussi des familles qui font preuve d'une force admirable. Qui chaque jour reprennent la course des multiples rendez-vous médicaux, du parcours du combattant pour trouver des lieux d'accueil adaptés, malgré les réveils nocturnes et les crises. Des familles qui témoignent aussi et surtout de tout ce que leur enfant leur apporte, de la richesse enfouie au cœur de chacun, porteur de handicap ou non, de ce lien particulier qui les unit, de comment leur enfant les a fait grandir, se dépasser, se découvrir plus forts qu'ils ne le pensaient. Ils témoignent de cette acceptation de l'Autre, dans toute sa singularité, sans réserve et sans retenue, de cet amour inconditionnel qui ne peut laisser indifférent. A travers cette compréhension intime de leur enfant, au delà des mots, ils nous font aussi découvrir son monde interne, ils se font porte parole à la fois de sa souffrance intérieure, de ses peurs, mais aussi de sa capacité d'évolution, des efforts considérables que cela lui demande.
De l'isolement elles créent de la solidarité
Avoir un enfant avec autisme reste un facteur d'isolement important. Faute de structure d'accueil en nombre suffisant, de nombreux parents doivent arrêter de travailler pour s'occuper à plein temps de leur enfant et se retrouvent dans une situation financière difficile. Outre cet aspect financier, c'est toute la vie sociale de ces parents, et en particulier des mères, qui se trouve précarisée: peu de temps libre pour souffler, voir des amis, avoir des activités personnelles. L'épuisement émotionnel et physique est souvent très présent.
Cet isolement s'explique aussi par le recroquevillement des familles sur elles-mêmes comme moyen de protection quand l'incompréhension ou le rejet sont trop douloureux (comment continuer à aller au parc quand des regards curieux voire méprisants vous atteignent ?).
Elles se sentent aussi parfois seules dans ce parcours du combattant que représentent souvent la scolarisation, l'accès aux aides et la ronde des sigles du monde social...Loin de s'arrêter à ces obstacles, nombreuses sont les familles qui au contraire développent des nouvelles compétences, devenant au fur et à mesure expertes. Positionnement à la fois rassurant car il permet de prendre davantage place dans le processus de décision pour le suivi de son enfant (méthode d'accompagnement thérapeutique, type de structures ou de suivi..), et en même temps fragilisant car il appelle une reconnaissance des professionnels comme partenaires à part entière.
Face à ces difficultés, ces familles trouvent cependant les ressources pour cultiver souvent un formidable esprit de solidarité et un dynamisme impressionnant. Il n'est à voir le nombre d'associations et d'initiatives qui fleurissent, gérées et animées par ces parents. Que ce soit d'un point de vue pratique, organisationnel, pour gérer leur quotidien ou plus largement humain, ces familles font preuve d'une créativité qui pourrait nous inspirer !
Conseil conjugal et familial
Pourquoi une conseillère conjugale et familiale vous parle de ce sujet ?
En 1er lieu, car j'ai été touchée par ces témoignages, complétés entre autre par la lecture du livre de Cécile Pivot, "Comme d'habitude", lettre d'amour écrite par l'auteur à son fils atteint d'autisme, et que j'avais envie de relayer leurs paroles. Pour ouvrir nos yeux sur ces mères isolées et épuisées, sur ces enfants au square ou ailleurs dont le comportement peut intriguer. Pour dire qu'ils ont beaucoup à nous apprendre sur leurs capacités à avancer coûte coûte, à dépasser les uns et les autres leurs peurs, leurs inquiétudes, à accueillir l'autre et la vie. Je ne fais pas un constat naïf, avec une vision idyllique. Leur quotidien ressemble davantage à un marathon au rythme d'un sprint. L'avenir ressemble à un gigantesque point d'interrogation: quelle école ou structure à la prochaine rentrée, pourquoi mon enfant régresse soudain alors qu'il avait acquis de l'autonomie, qui s'occupera de lui une fois adulte et nous vieillissant ?
Ensuite car ces familles sont confrontées aux mêmes difficultés que les autres familles et en même temps comment ne pas imaginer qu'elles puissent ne pas être exacerbées par leur situation ?
Quel équilibre trouver au sein de la fratrie quand l'état de santé de l'un des membres nécessite soins et disponibilité constante ?
Comment gérer jalousie, temps pour chacun, juste place ?
Comment accompagner l'adolescence d'un frère ou une sœur qui vit mal la différence liée à l'autisme, à un âge où le challenge principal est d'être comme les autres ?
Comment entretenir la flamme conjugale quand les temps à 2 se réduisent en peau de chagrin, que la fatigue est permanente ?
Comment construire des projets de couple quand l'avenir est incertain ?
Comment enrichir les relations familiales et conjugales de l'extérieur quand envisager des activités ou une vie sociale relève du défi ?
Comment prendre le temps de se parler, de s'écouter, le temps libre est compté, que chacun est pris dans un tourbillon émotionnel non exprimé ?
Ou tout simplement comment déjà prendre soin de soi ?
Le conseil conjugal et familial, cela pourrait être déjà tout simplement ce lieu de dépôt où tout peut se dire, sans retenue, sans avoir peur d'être jugé: la fatigue, l'inquiétude, mais aussi le ras le bol, la colère, le sentiment d'injuste, tout en étant par soutenu par une professionnelle. Un lieu contenant pour déverser ce trop plein émotionnel. Ensuite alors pourront se travailler, si la personne, le couple ou la famille le souhaite, ces questions du lien, de la place, des besoins et désirs de chacun. A la lumière de leur situation d'aujourd'hui: avec ces difficultés réelles et douloureuses et en s'appuyant sur ces ressources que chaque parent a créées, accumulées au fur à et mesure de l'accompagnement de son enfant.
Hortense Jacot, conseillère conjugale et familiale
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